Rétrospective Booz Holmërtz au palais du Gd'rhh. Par R. Montalban.
L'évènement artistique de l'année !

Tout le gratin de l'art galactique a monopolisé le buffet froid du plus fastieux lieu d'exposition de FehmaIII.

Booz le martyr !

  Jeudi dernier avait lieu au palais de Gd'rhh de FehmaIII le vernissage le plus attendu par toute la communauté artistique galactique. En effet, c'est à l'occasion du 3500ème anniversaire de l'empire 2X , que l'actuelle impératrice-mère Bihddias a décidé de rendre publique la série de portraits posthumes impériaux de Booz Holmërtz.

La grande rétrospective de son oeuvre rend enfin hommage à ce portraitiste, en proie à une malédiction éternelle. Cryogénisé depuis 3400 ans, il est réveillé à chaque décès impérial pour une période de quelques jours nécessaires à l'exécution d'un portrait. A l'heure où je rédige ses lignes, aucune organisation politique, diplomatique ou de droit de l'individu n'a réussi faire stopper ce sommeil forcé. Booz Holmërtz dort toujours ; il ne sera pas présent pour son triomphe.

Ricardo Montalban s'est porté volontaire pour ce dossier soporifique.

Merci pour lui.

La rédaction.

       
Ci-contre : Booz Holmërtz, le peintre surgelé. Portraitiste dynastique, il ne sort de son frigo qu'a l'occasion du décès d'une impératrice mère. Son masque à rêve est essenciel à sa survie à la cryogénie. (Portrait officiel)   Booz est issu d'une famille bourgeoise Terrienne pûre souche. Il est kidnappé pendant une manoeuvre sur Alpha Centauri 4 par les harpies de Mellah "la rudesse" durant sa période de service spatial obligatoire. Présent au titre d'esclave lors de la prise de pouvoir de FehmaIII et à la création de l'empire 2X (-924 BC), il connait des heures tragiques sur ce monde aux journées de 42 heures. (Voir *).

Remarqué pour ses talents picturaux, il est un jour ordonné "portraitiste impérial", participant ainsi contre son gré au projet inavoué de Mellah Ière : exprimer à travers une suite de portraits posthumes et le regard méprisant d'un mâle la continuité de la dynastie (voir ** et ***).

N.B. : le style très classique de Booz, sans évolution, et très contesté, s'explique par son rapport paradoxal au temps (Voir ****).

 
   
Mellah Ière :

A l'origine de la dynastie.

-1024 av jc

-947 av jc

  A l'origine de la dynastie, Mellah "la rudesse". Pharisienne d'origine, elle renie très tôt les systèmes de valeurs de la société "phallocratique" de ses aînés et s'engage dans l'armée spatiale afin de fuir son milieu. Guerrière émérite mais par trop anarchisante, elle déserte l'armé au cours de la prise d'assaut de Drixa. Elle découvre le système Fehma avec une poignée de renégates et fonde les bases de l'actuel empire 2X.

Fascinée par la mort, elle met au point le Service de Description Historique, dans lequel travaillent -aujourd'hui encore ! - des "mâles aliénés enregistrant les moindres faits et gestes de l'empire". Certains, cryogénisés, ne sont "décongelés" que lors de grands évènements.

 
   
Yozindaz :

L'ère des conquêtes.

-594 av jc

-451av jc

  L'ère des conquêtes est à son apogée. FehmaIII est une planète habitée par une sociéte pastorale-primitive reptilienne (voir *****) répartie sur trois des quatre continents. Partant de ce continent gelé, où Mellah Ière fonda la ville d'Amzoe, les hordes de "harpies" impériales décimèrent les fehmiens en progressant inexorablement vers le sud.

Yozindaz est elle aussi une guerrière indéliquate. Refusant toute compromission, exécutant systématiquement tout ambassadeur fehmien, elle est responsable de la mort de centaines de milliers de d'individus. Elle meurre à l'assaut, suprême honneur de l'époque, d'un tir de laser dans le cul.

 
   
Eredän :

La fin de la barbarie.

-91av jc

103 ap jc

  La fin de la barbarie se fait en douceur sous le rêgne d'Eredän "la juste". Elle met à la disposition des fehmiens des vaisseaux de guerre reconvertis en nef colonniales, les incitant ainsi à aller voir si les choses n'iraient pas mieux ailleurs pour eux.

Elle est à l'origine du décret imposant l'esclavage des fehmiens prisonniers contre leur mort immédiate. Les libertés progressent lentement sur FehmaIII...

Eredän, malade depuis un attentat au poison réussi, est maintenue en vie par un volumineux appareil biomécanique jusqu'à sa mort.

 
   
Melëvah :

La technologie devient civile.

218 ap jc

413 ap jc

  La technologie devient civile, après des siècles d'obscurantisme militaire. "Jusqu'ici, tous nos efforts ont été consacrés à l'essor géographique de notre empire. Faire reculer les frontières, tel était notre seul souhait. Ma mère ayant sous son règne repoussé les frontières jusqu'à les effacer, ma tâche sera de préparer et d'épauler l'essor culturel de ce que nous pouvons appeler dorénavant notre civilisation". Ayant ainsi exprimé son souhait de profiter des fruits récoltés par ses ancêtres, Melëvah se tourne vers un peuple qui n'est plus une armée. Luttant contre des siècles de barbarie innée, elle éduque sont peuple en pointant le doigt sur les étoiles du ciel trop longtemps oubliées. Il se passe des choses ailleurs... Le paradigme culturel galactique débarque sur FehmaIII. La technologie civile et l'économie de marché imposent progressivement une société de consommation.  
   
Beliahjy :

La sagesse incarnée.

786 ap jc

1022 ap jc

  La sagesse incarnée, telle est Beliahjy, "l'impératrice-lumière". On dit d'elle qu'elle serait un peu gourde, béate. Mais elle se révèle vite comme une précog qualifiée. Elle publie sous un pseudonyme un traité de statistique précognitive orientée qui fera un malheur dans le milieu. Beliahjy se réfère à un dénommé Bouddha dont personne n'a encore entendu parler. La conquête de FehmaII et FehmaIV est un succès, et relance une politique de colonisation et de natalité. Elle crée à ces occasion un comité de recherche sur la question de l'élément féminin dans la galaxie ; les conclusions l'amènent à ouvrir un programme eugénique de fécondation biomécanique : le mâle est désormais obsolète sur FehmaIII. L'empire 2X a atteint son but. On se reproduit alors sans l'inconvénient du clonage, sans mâle, frénétiquement.  
   
Dellëbe :

Un concentré de décadence.

1555 ap jc

1903 ap jc

  Un concentré de décadence coule dans les veines de Dellëbe. "De part les fantaisie des chercheurs impériaux, qui, tels les parfumeurs d'autrefois, marient les gènes commes des essences rares, l'impératrice se voit affublée de tares jugées exquises par les amateurs de plaisirs raffinés."

Dellëbe la meurtrière. Dellëbe la manipulatrice. Parfaitement névrosée, elle n'est pas gâtée par la génétique, et ses accès d'hystérie n'ont d'égale que sa beauté fragile. Le mot "accident" n'est jamais évoqué auprès d'elle. Ayant assassiné trois de ses filles, futures dauphines, hurlant que leur tristesse rendait jalouse une sorcière comme elle, Dellëbe succomba à son tour par empoisonement des reins.

 
   
Bihddias :

La dernière en date.

2329 ap jc

?

  La dernière en date, Bihddias, semble encline à rejoindre l'Hégémonie. Malgré la dérive qu'a pu connaitre l'empire 2X lors des derniers siècles, l'impératrice-mère reprend les rennes du pouvoir. Plus forte psychologiquement que ses proches ancêtres, Bihddias a très jeune profité de retouches hormonales afin de corriger les effets désastreux des expériences eugéniques passées.

Mais il faut bien avouer qu'à force de mutation génétique et d'esprit tordu, on ne ressemble vraiment plus à grand chose. Quoique...

 
   
  * : Le système Fehma : recoupement des données, article de H. Rtillg paru dans Mioglu N°114.

** : Mellah Ière était persuadée que le regard d'un mâle aurait tout le mépris nécessaire à la réalisation d'une oeuvre sensible. Avec cynisme, elle avoue : "Je dois le traiter pire qu'un animal, si je veux qu'il réussisse mon portrrait".

*** : L'idée d'un observateur éternel, immuable, horloge de la dynastie, pousse Mellah Ière à créer une "machine" où le mâle est le moteur forcé. La société 2X s'organise rapidement : l'élément féminin, majoritaire, agit. L'élément masculin, de très loin minoritaire et maitrisé, observe et sert.

**** : Booz Holmërtz travaille dans un temps décalé. Il dort cent cinquante ans, se réveille pour travailler, les souvenirs revenant à mesure, et se recouche sitôt qu'il termine. Pour lui, la vie n'est qu'une suite d'éxécution de portraits funèbres, une suite de commandes de deux semaines. Mais pour l'observateur, il est déjà vieux de 3400 ans, et doit donc logiquement avoir une expérience défiant celle des plus grands maîtres galactiques. Hélàs il n'en est rien, et Booz Holmërtz doit être considéré comme un naïf surgelé.

***** : Sur les sociétés pastorales-primitives, lire : Tout ce que nous sommes, in Pélerinage à la terre, de R. Sheckley, 1960.