La Princesse au sourire triste

Il y avait une fois dans un royaume très lointain une Princesse au sourire triste.

Le Roi son père et la Reine sa mère la chérissaient, elle était leur seul enfant et ils tenaient à elle comme à la prunelle de leurs yeux. La Princesse avait grandi dans l'amour de ses parents et de leurs sujets. Elle était instruite par les professeurs les plus doctes, elle fréquentait les artistes les plus talentueux et était toujours entourée de gens aimant. Mais un beau jour, on ne savait pourquoi, apparut sur le fin visage de la Princesse un petit sourire triste, qui, dès lors, ne la quitta plus. Elle se promenait dans les couloirs du Palais, passait ses après-midi dans les jardins royaux, s’asseyait au bord de l'étang avec toujours ce sourire mélancolique.

Le Roi son père et la Reine sa mère s’inquiétèrent de ce mal si soudain et mystérieux qu’éprouvait leur fille, la Princesse. Ils firent fait venir les meilleurs musiciens, les plus joyeux acrobates, les poètes les plus inspirés, mais rien. La Princesse gardait son sourire de tristesse. Le Roi son père et la Reine sa mère firent alors venir les plus érudits des savants du Royaume. Malgré toute leur science, ceux-ci ne purent ni comprendre, ni expliquer la mélancolie de la Princesse.

Le Roi son père et la Reine sa mère ne savaient plus quoi faire pour leur fille, la Princesse. Ils demandèrent conseil aux Ministres qui, eux non plus, ne savaient plus quelle solution proposer.

Or, un matin, le Grand Mage Agarkian vint trouver le Roi et la Reine et leur dit ceci :

" Vos Majestés, je ne connais qu'une seule personne qui puisse comprendre le mal dont souffre notre Princesse."

"Qui est-ce donc ?, demanda le Roi, parle Mage, nous t’écoutons !"

" Vous devez appeler le Maître des Clefs"

"Comment, s'exclama le Roi, je ne veux pas de cet être maléfique dans mon Royaume ! Par une fois déjà, il a failli conduire ce Royaume à sa perte! Je ne saurais accepter ce risque !"

"Mon époux, dit la Reine, vous voulez comme moi le bonheur de notre fille. Or si le Maître des Clefs peut l’aider, il doit venir. Et vous oubliez que vous n’étiez pas complètement innocent du péril que courut notre Royaume. "

Le Roi se rangea à l'avis de la Reine et ordonna au Grand Mage de faire venir le Maître des Clefs:

"Soit, fais-le venir ! Mais que jamais, ô grand jamais, son nom ne soit prononcé en ce Palais et en mon Royaume. Et prions les dieux que ma fille jamais ne l'apprenne! Tu devras y veiller, Agarkian, sinon tu en répondras devant moi ! tonna le Roi."

Le Grand Mage envoya alors ses émissaires de part le monde pour faire venir ce mystérieux Maître des Clefs dont on devait taire le nom.

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Un matin, alors que la Princesse se promenait tranquillement dans les jardins du Palais, elle aperçut une étrange silhouette. Qui donc cela pouvait-il être, car personne n'avait le droit de pénétrer ainsi dans ses Jardins, sans avoir été annoncé par le Grand Chambellan.

Sur le banc au bord de l'étang, là où la Princesse préférait passer ses journées, était assis un étrange personnage. Tout de noir vêtu, avec une longue cape qui traînait sur le sol, il jetait des cailloux et regardait les cercles qui se formaient à la surface de l'eau. "Par les Dieux, qu'il a l'air triste, pensa la Princesse, je ne crois pas avoir jamais vu quelqu'un d'aussi malheureux."

Elle s'approcha de lui doucement, mais il avait senti sa présence et tourna la tête en direction de la Princesse. Il avait des yeux d'un bleu profond, un regard qui transperçait et qu'il pouvait délibérément changer d'intensité et de bleu au gré de ses humeurs, remarqua plus tard la Princesse.

"Pardonnez-moi, Altesse, je me suis assis sur votre banc, à votre place et j'ai regardé votre étang. Mais j'en suis content."

"Comment savez-vous que c'est l'endroit que je préfère?"

"Il me l'a dit !"

"Qui vous l'a dit ", demanda la Princesse, troublée par les paroles de l’être mystérieux.

"Cet endroit me l'a dit. J'ai senti que c'était ici que vous aimiez laisser reposer vos pensées. Elles sont là, dans chaque portion de terre. Votre esprit habite ces lieux, mais il ne peut s'en évader, vous l'y maintenez captif."

La Princesse resta interloquée, elle trouvait décidément ce personnage bien étrange avec ses commentaires étonnants. Mais pourtant, elle n'avait aucune crainte, elle ne se sentait nullement menacée. Il parlait avec une voix douce et apaisante. La Princesse n'osait pas le regarder directement, elle semblait croire que si elle le faisait, il connaîtrait exactement ses pensées.

"Qui êtes-vous, demanda-t-elle, vous savez qui je suis et vous ne vous êtes pas présenté. Cela ne se fait pas devant une Princesse !"

"Je suis un voyageur, qui après avoir parcouru ce vaste monde, s’est trouvé un peu fatigué et est venu se reposer dans vos magnifiques jardins. Que vous importe que je vous dise mon nom !...Vous saurez sûrement m’en trouver un…" annonça-t-il de sa voix douce.

La Princesse, pourtant étonnée que quelqu’un discute ainsi ses ordres, n’arriva à dire rien d’autre que " Et pourquoi donc voyagez-vous ?"

"Le monde est bien vaste et il y a tant de merveilles à voir. Mais pourquoi me suis-je vraiment arrêté ici, c’est ce que vous voulez vraiment savoir, répondit-il malicieusement.

"Je viens, car j’ai entendu l’appel d’une âme en détresse…." ajouta-t-il doucement et en laissant son étrange regard se perdre dans les eaux vertes de l'étang.

"Une âme en détresse! Que voulez-vous dire par là ? " demanda la Princesse d'une voix un peu tremblante.

"Altesse…..Vous pensiez que personne n’entendrait vos appels ?"

"Mes appels….",balbutia la Princesse, interloquée, " mais je n’ai jamais appelé personne à mon secours. D’ailleurs, je ne suis pas en détresse…!" continua-t-elle vivement.

L’étrange voyageur sourit et son regard prit une teinte turquoise alors qu’il dit : "Ah oui ? Vraiment ? mais belle Princesse, vous savez au fond de vous de quoi je parle, n’est-ce pas ? Pourquoi venez-vous tous les jours au bord de cet étang vous abîmer dans la plus profonde des contemplations ? Il se peut que cela ne soit que pour admirer les fleurs de lotus et les nénuphars, mais il se peut aussi que vous cherchiez à libérer votre âme de pensées trop lourdes. Il se peut aussi que vous veniez y chercher des réponses qui vous semblent introuvables….Eh bien, chère Princesse, vos pensées vous ont échappé et sont parvenues jusqu’à moi. Alors je suis venue vous aider à trouver la clé que vous cherchez tant !"

Ces dernières paroles troublèrent passablement la Princesse et pour ne pas montrer son désarroi au Voyageur, elle se rapprocha de l'étang et se mit à distraitement cueillir des fleurs. L’étrange voyageur avait un savoir mystérieux et une manière encore plus étrange de le montrer. Et ce qu'il avait dit trouvait une résonance surprenante dans le coeur de la Princesse.

"Et c'est pour cette raison que vous sembliez si triste tout à l'heure, quand je vous ai aperçu ? demanda-t-elle

"Je vous semblais triste et mélancolique ? Je ne suis pourtant que votre reflet, je ne suis que celui que vous voulez que je sois ! telle fut sa réponse.

"Je ne vous crois pas, je ne vous comprends pas, je ne souhaite pas vous voir triste. Que me chantez-vous là ? Vous vous moquez, je vais appeler les Gardes si vous continuez ainsi à m'importuner !"

"Je ne vais donc pas vous gêner plus longtemps, Altesse, je m'en vais. Mais ce que je vous ai dit est la vérité. Je ne suis que le reflet de votre âme..."

La Princesse se retourna et à sa grande surprise, ne vit plus personne. Sur le banc ne se trouvait plus maintenant que deux fleurs d’églantine. La Princesse pensa qu'elle avait rêvé, elle prit les fleurs et décida de regagner le Palais. Pourtant, elle crut entendre une voix lui murmurer à l'oreille : "Que ton reflet....Belle Princesse Triste ".

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Quelques jours s'étaient passés depuis l'étrange rencontre qu'avait faite la Princesse. Elle était retournée dans les Jardins, tous les jours un peu plus tôt et un peu plus longuement. Elle se défendait de l'admettre, pourtant elle espérait revoir cet étrange voyageur. Elle voulait lui poser des questions, l'entendre parler de sa voix si envoûtante. Il n'apparaissait toujours pas, malgré les prières silencieuses que lui adressaient la Princesse.

La Princesse faisait aussi des rêves qui l'interpellaient : elle se retrouvait toujours au même endroit, dans une grande pièce de quelque palais. Elle était assise au bout d'une interminable table, il n'y avait ni convives, ni valet. Pourtant les couverts étaient mis, le vin servi et l'on entendait de la musique raisonner dans toute la salle. C'était de belles mélodies. La Princesse n'en avait jamais entendues de si merveilleuses, elles l'ensorcelaient, l'emmenaient dans des contrées perdues, vers des mondes imaginaires. Alors la Princesse voyait qu'il y avait quelqu'un assis en face d'elle, au bout de la table. Mais elle n'arrivait ni à discerner ses traits, ni même à s'en rapprocher. Quand elle essayait de se lever, elle se réveillait avec toujours cette étrange sensation d'avoir appris quelque chose, mais de l'avoir enfoui au fin fond de sa conscience et de ne pas être capable de s'en souvenir.

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Le Roi son père et la Reine sa mère s'inquiétaient toujours autant, ils voyaient encore la même tristesse sur le fin visage de leur fille.

Le Roi furieux fit venir le Grand Mage Agarkian.

"Alors, où est le Maître des Clefs, que fait-il ? Parle Agarkian. Ma patience a des limites et elles vont être atteintes ! "

"Majesté, je ne sais que vous répondre. Il est dans le Royaume. Peut-être lui faut-il du temps pour comprendre la mélancolie de la Princesse."

"Qu'il prenne garde ! Et maintenant qu’on me laisse seul!"

Et le Roi resta seul, assis sur son trône et méditant sur la tristesse de sa fille.

"Pourquoi es-tu en colère contre moi, Basileus ?" demanda-t-on

Légèrement surpris, le Roi chercha d'où venait la voix qui l'interpellait ainsi.

"Tu te montres enfin ! Je commençais à perdre patience. Guéris donc ma fille, mais ne t'avise pas de me jouer un tour. Je peux encore une fois t'envoyer en exil dans les Hébrides. N'oublie jamais cela ! " tonna le Roi

"Basileus, je le sais. La Princesse ta fille quittera bientôt son sourire triste, je te le promets. Mais toi non plus, ne commets pas l'erreur de me sous-estimer à nouveau. Je sais ce qui ronge ta fille et je vais éliminer ce mal. Cependant, tu devras accepter sa destinée telle qu'elle est. Tu n'auras pas le droit de la modifier. M'as-tu bien compris, Basileus ?"

" Me menacerais-tu ? Je connais ton nom et je sais l'utiliser, souviens-toi bien de cela ! "

"Basileus, je sais tout cela. Mais cet avantage, tu l’as possédé une fois. Ton cœur a changé et ton pouvoir sur moi aussi, je te le rappelle..."

Aussi mystérieusement qu'il était arrivé, l'interlocuteur repartit, laissant le Roi à son courroux.

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La Princesse se promenait dans les Jardins, elle avait décidé d'éviter le banc au bord de l'étang, mais ses pas l'y menaient quand même.

"Vous m'aviez demandé ? "

L’étrange voyageur se trouvait là, juste en face de la Princesse.

"Je fais des rêves étranges et je crois que vous pouvez m'aider à les comprendre", lui répondit la Princesse d'un ton hautain, parce qu'elle ne voulait pas montrer qu'elle était contente de le voir.

" Vous vous demandez qui est la personne dans vos rêves. C’est votre âme qui rêve de votre futur, seulement vous pensez qu'affronter la réalité serait trop dur, vous cherchez des échappatoires et finalement, vous ne faites que vous voilez la face. Ouvrez votre esprit, laissez parler votre âme ! N’ayez pas peur, je vous aiderai."

"Mais je ne cache rien…ma vie est limpide comme l’eau qui coule de cette source. Je suis aimée par tous mes sujets et mes parents me chérissent. J’ai reçu la meilleure des éducations et un jour, je serai à appeler à régner sur ce Royaume de manière juste et droite, comme mon père avant moi."dit la Princesse.

"Mais êtes-vous heureuse ? N’entendez-vous pas votre âme vous murmurer qu’il lui manque quelque chose ?"

La Princesse resta une fois encore interloquée par les propos de l’étrange voyageur. Elle ne voulait pas l’admettre, mais elle sentait qu’il avait raison. Elle était bouleversée, car il était la première personne qui semblait voir en elle bien plus qu’elle-même. Elle était triste sans en connaître vraiment la raison et cet étranger lui disait que la réponse était liée à son âme.

"Altesse, ne vous tourmentez plus pour aujourd’hui. La réponse viendra d’elle-même. En attendant, allez vous préparer pour le bal de ce soir et soyez vous-même !" et l’étrange voyageur disparut sur ces paroles.

"Mais comment sait-il qu’il y a un bal, se demanda la Princesse…alors qu’elle s’en retournait vers le Palais…et que voulait-il dire par être moi-même ?"

 

Il y avait en effet un bal le soir même. Le Roi et la Reine avaient décidé de le donner pour tenter d’égayer leur fille et peut-être lui permettre de rencontrer un charmant gentilhomme, car tout ce que le Royaume comptait de barons, comtes, marquis, ducs et princes serait présent ce soir.

Au loin, une silhouette toute de noir vêtue la regardait s'éloigner. Le Maître des Clefs se dit alors qu'il serait bien resté au bord de l'étang, mais qu'il devait d'abord s'aider la Belle Princesse Triste à trouver ses Amours....

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