LA PARFUMERIE
par Nathalie Lamothe,
Geneviève Houle et Josée Duguay


La parfumerie est un métier d`art, même si elle est devenue, par la force des choses, une industrie tant son développement s`est avéré important au cours des dernières années. Un des facteurs qui a contribué à ce développement fut sans contredit l`invention des produits synthétiques.

La production des parfumeurs ne sert pas à rien puisque d`innombrables travailleurs vivent de cette activité. De plus, il existe des parfums antiseptiques grâce auxquels on peut prévenir la maladie et d`autres qui suppriment la douleur.

Pour certains, il peut sembler audacieux de vouloir reproduire ce que la nature élabore si patiemment avec tant d`harmonie. En fait, ce sont les prix extrêmement élevés de certaines matières premières naturelles comme le jasmin, la rose et la tubéreuse qui ont poussé les chimistes à élaborer des produits synthétiques. Ce sont donc ces nouvelles expérimentations qui ont contribuées à la découverte de nombreux produits artificiels, c`est à dire qui n`ont pas leurs équivalences dans la nature, mais qui possèdent des odeurs parfois proches de références naturelles, parfois totalement inédites.

Plusieurs méthodes existent pour fabriquer des parfums. D`assez nombreux de ces produits sont des esters: on les prépare tout simplement par action de l`acide sur l`alcool. Ce n`est toutefois pas l`unique façon de procéder. Voiçi quelques un d`entre eux qui sont utilisés dans la fabrication de coumarine, de muscs, d`alcool phényléthilique, de violette et de la citronnelle.

Pour la coumarine, on prépare l`aldéide salicylique et on la transforme. Pour fabriquer une tonne de coumarine, il faut mettre environ: 150 kilogrammes de phénol, 25 kilogrammes de chloroforme, 75 kilogrammes de soude, 95 kilogrammes d`acide sulfurique, 50 kilogrammes de bisulfate sodique, 75 kilogrammes d`anhydride acétique 25 kilogrammes d`acétate sodique, 40 kilogrammes de carbonate sodique.

Il faut donc plusieurs masses de produits différents pour fabriquer quelques grammes d`un produit synthétique organique.

TABLEAU

C`est Alfred Baur qui a inventé les muscs artificiels. En effet, il en existe trois variétés. Pour fabriquer le muscambrette, on prend du phénol, neutralisé d`abord par le soude (11 kilos de phénol pour 13 kilos de lessive à 36º Baumé). On ajoute du sulfate de méthyle(13 kilos) et on chauffe à 70º, pendant une heure. Il s`est formé un éther qui est extrait par action du benzène et que l`on condense avec son poids double de chlorure d`isobutyle en présence d`un catalyseur, en l`espèce du chlorure d`aluminium. On chauffe, on lave à l`eau, puis avec une lessive sodique, on nitre dans l`anhydrite acétique et on fait cristalliser par simple refroidissement.

TABLEAU DES MUSCS

Une autre importante matière synthétique est l`alcool phényléthylique. Celle-ci entre souvent dans la composition des extraits de rose. Le composé est préparé en partant du benzène:

C6H6   +   CH2-O-CH2   -»    C6H5-CH2-CH2OH
Benzène          Oxyde d`éthylène                 Alcool phényléthylique

Une chaudière est chargée de benzène (1400 litres) et de chlorure d`aluminium (400 kilos). Après avoir refroidi à 6º, on injecte en poursuivant le malaxage de l`oxyde d`éthylène, puis on balaie avec l`azote pour enlever les vapeurs d`acides produites. L`opération dure environ 24 heures, pendant lesquelles on emploie près de 150 kilos d`oxyde d`éthylène.

On doit l`ionone de violette à Ferdinand Tiemann. Il la découvrit en étudiant les racines de l`iris de Florence (la senteur qu`on utilisait autrefois pour parfumer les vêtements dans les armoires). Tiemann avait obtenu un produit sans odeur marquée, mais dont il avait pu déterminer la structure chimique. Sans idée préconçue, il décida de faire réagir un acide sur elle. La molécule se cyclysa en une substance qui exhalait à l`état d`extrême dilution l`arôme délicat de la violette. Cette découverte était fantastique, car on n`avait jamais réussi auparavant à reproduire vraiment le parfum de cette fleur. Grâce à ce nouveau synthétique, on put créer plusieurs parfums, dont: Vera Violetta et Rose Jacqueminot.

De plus, la rencontre de Ferdinand Tiemann avec Georges De Laire fut très déterminante. Surtout sur le plan de la parfumerie où ils découvrirent l`odeur de la vanilline ou la vanille. A l`époque, il appelait les synthèses de vanille le givre de vanille. Tiemann a publié plusieurs quantité de mémoires sur les constituants des huiles essentielles. Il a aussi fait avancer beaucoup de synthèses inédites de produits, mais son nom reste attaché avant tout aux substances à odeur de violette.

Les premiers synthétiques découverts, ionones et muscs, par exemple, ont été ceux qui n`avaient pas pu être isolés dans des extractions de naturels ou qui n`avaient pas été trouvés dans la nature. Ce qui en faisait en fait des artificiels. Les études chimiques qui ont suivi ont portées surtout sur l`obtention par extraction à meilleur compte de corps recherchés pour leur odeur. Un exemple: le principe odorant du citron, le citral, est aussi la matière première de l`ionone. Extrait de l`huile essentielle du fruit, il se révèle d`un coût beaucoup trop élevé et rend prohibitif celui de son dérivé à odeur de violette. On connaissait depuis longtemps par ailleurs une plante tropicale, le lemongrass, au prix de production beaucoup plus avantageux et contenant jusqu`à 80% de citral. Il devenait simple alors d`obtenir l`odeur du citron à meilleur prix en l`extrayant de cette plante. Les citrons de synthèse et les dérivés, l`ionone, entre autres, devenaient à leurs tours, à un prix abordable.

Avant l`apparition des parfums synthétiques, des matières premières, végétales ou animales, traitées par des procédés purement physiques, la distillation ou l`extraction donnaient des huiles essentielles ou des produits similaires que le Parfumeur mélangeait ensuite pour en faire des compositions, des parfums. Ces matières premières naturelles, qui forment des mélanges très harmonieux et très complexes de substances chimiques, étaient presque des parfums. Elles étaient d`autre part peu nombreuses et chères. Pour le parfumeur, il en résultait un travail de composition relativement simple pour suivre son inspiration artistique.

TABLEAU SUR LES ÉTAPES MARQUANTES DE LA SYNTHÈSE DES CORPS ODORANTS

Les produits aromatiques ne sont que des matières premières pour le préparateur, qu`ils proviennent naturelles ou qu`ils soient fabriqués synthétiquement. Le chimiste associe, le plus souvent selon des formules complexes, au matériau de base qui donne la note dominante.

Les modificateurs sont des substances qui améliorent et qui affinent la note donnée par le produit pur. Les dits modificateurs possèdent parfois une odeur franchement désagréable. C`est le cas de l`indol, du scatol (aisi nommé à cause de son odeur excrémentielle), mais ajoutés à doses extrêmement faibles.

Les fixateurs sont des substances grâce auxquelles l`odeur persiste assez longtemps. On employait comme fixateurs le musc, le benjoin, ce qui avait comme inconvénient de modifier le parfum. Mais il existe maintenant beaucoup plus de produits synthétiques entre lesquels on peut choisir soit un agent neutre qui n`influe pas sur la nature de l`odeur, soit un agent actif qui la renforce ou l`améliore.

Les absorbants, qui jouent le rôle de support, et par exemple des cires pour les parfums dits concrets, des cristaux ou des fibres pour les parfums dits révulsifs.

Les synthétiques n`ont pas la finesse des produits naturels, mais ils ont pour eux la puissance et, avantage indéniable en parfumerie, une bien meilleure solubilité dans l`alcool. C`est d`ailleurs de leurs mélanges avec les produits naturels précisément que sont nés tous les parfums modernes dans lesquels les produits des deux origines se complètent harmonieusement par leurs qualités respectives.

D`autre part, les synthétiques ont permis l`abaissement des coûts et ont conduit au développement extrêmement rapide de la diffusion des produits parfumés, extraits alcooliques, bien sûr, mais aussi savons, produits cosmétiques voire industriels, etc. La part d`utilisation des essences naturelles a, de fait, diminué pour n`être plus que de quelque 15 à 18% de ce qu`elle était 100 ans auparavant.

C`est en passant par la synthèse que sont venues les bases de lilac, de muguet ou d`oeillet, puisque les notes étaient inaccessibles, les techniques d`extration n`ont alors peu rapportés de résultats utilisables.

C`est par l`usage de plus en plus fréquent des grands produits odorants de synthèse qui a permis, en disposant plus aisément de grandes quantités de matières premières à des prix bien plus favorables, d`étendre l`usage du parfum à un nombre beaucoup plus important de produits de consommation cette fois et celle-ci a aboutie à "l`explosion" de ces trentes dernières années. Il y a trois grands domaines qui se partagent le champ des applications: les produits de toilette, comprenant la parfumerie alcoolique, les produits de beaté, et les produits d`hygiène personnelle, ensuite les produits d`hygiène cosmétique, les produits de nettoyage ménager et les produits divers, et enfin les produits industriels.

Bref, l`industrie de la parfumerie a plusieurs avantages, tels que d`économiser une merveilleuse somme d`argent ainsi que de conserver la nature telle qu`elle l`est en ce moment. C`est grâce à plusieurs études faites en laboratoire que l`on peut maintenant reproduire les parfums de fleurs comme la citronnelle, la violette, le jasmin et plusieurs encore et les muscs.