QUELQUES REFLEXIONS SUR LE RECRUTEMENT EN FAVEUR DE LA LEGION WALLONIE (2).

 

 

 

       Si le recrutement dans les Stalags devenait pour Degrelle une nécessité prioritaire, celle dans les Oflags ne l'était pas moins et s'annonçait autrement ardue.

        On se souviendra qu'après les hostilités, l'armée belge avait été aussitôt démobilisée par ses propres chefs, ses formations non combattantes évacuées en France non occupée et démobilisées à leur tour par le Ministre de la Défense Nationale, le Général Denis. Les hommes avaient été rapatriés sur ordre de leurs chefs, les généraux Wibier et Hinnecart. Une grosse partie des militaires de carrière  ( dont quelque 3.000 officiers ) rentrés spontanément dans leurs foyers avaient été autorisés à y rester par les autorités occupantes en s'engageant sur l'honneur à ne plus rien entreprendre contre l'armée allemande.

 

        Pourtant, et aussi paradoxal que cela puisse paraître aujourd'hui, une des premières offres de collaboration militaire pour le font de l'Est émanait d'un Oflag !

        A droite l'excentrique Hauptmann Pierre Pauly, officier de carrière belge, breveté d'Etat-Major,  deuxième Commandeur de la Légion Wallonie, libéré de l'Oflag de Lückenwalde en août 1941 après avoir proposé ses services pour le front de l'Est.

    En effet, le 18 juillet 1941, à l'invitation de la Kommandantur de l'Oflag II A de Prenzlau, le général Van den Bergen, chef d'Etat-Major Général de l'armée belge et commandant belge du camp, autorisa l'affichage aux valves d'un ordre du jour dans lequel les officiers qui désiraient s'engager dans la Légion Wallonie pouvaient se présenter à son bureau le lendemain à 15h. Malgré la réserve que l'incorporation ne pouvait se faire que sous le couvert de l'autorisation royale, 51 officiers se présentèrent. Cependant, le fait que l'engagement devait obligatoirement se faire par le truchement de Rex fit avorter le projet. Quant à l'autorisation royale, les quelques rares demandes adressées au Roi restèrent sans réponse tandis que l'OTAD se taisait sur le sujet ( tout en accordant un congé sans solde (1) aux candidats pour le Front de l'Est ! ).  Seule la Kommandostab Z répondait favorablement, relayée en cela par une propagande pour le moins tendancieuse menée tambour battant par Degrelle en personne.

        Le 28 décembre 1942, le colonel Meyer, le supérieur du capitaine Baumann dirigeant le Kommandostab Z de Bruxelles, décidait de confier la délicate mission du recrutement d'officiers au Commandeur même de la Légion, le capitaine légionnaire Lucien Lippert. L'officier de carrière belge se ferait accompagner dans ses tournées par l'officier de liaison allemand de l'époque, le Rittmeister von Rabenau. Premier objectif : contacter d'anciens condisciples de l'Ecole Militaire ; plus particulièrement ceux de sa promotion retenus à Prenzlau. Lippert se mit en route le 24 janvier 1943. Le 4 février suivant, il était de retour à Meseritz. Ce fut un échec, les deux ou trois officiers, des camarades de promotion, lui reprochant de porter l'uniforme ennemi, refusèrent jusqu'à lui serrer la main.

         Restait le major B.E.M. Frans Hellebaut !

         Très tôt, les services de la censure du courrier avaient remarqué les commentaires admiratifs de l'officier sur la puissance des armées allemandes, le savoir-faire de ses chefs, les réalisations sociales de l'Allemagne nazi. Les services de von Prittwitz en avaient été avertis et, à leur tour, ces derniers informèrent le Kommandostab Z.

        Le nom de Hellebaut était connu dans les milieux militaires et Lippert n'était pas sans savoir que son aîné avait des relations : parmi celles-ci, le Général Raoul Van Overstraeten, le très influent Conseiller Militaire du Roi.

        Tout en acceptant une mission officielle de recrutement, Lippert allait être amené, sous le couvert de celle-ci, à agir à des fins personnelles : un an et demi après la mise sur pied de la Légion Wallonie, sonder sur place l'état d'esprit du corps des officiers prisonniers, plus spécialement en ce qui concernait l'action et la raison d'être de l'unité qu'il commandait. Cette démarche intervint à un moment où l'identité de la Légion était sur le point de subir de profonds changements par le passage à la Wafffen-SS, dont les premières tractations avaient eu lieu en septembre-octobre 1942.

         Lippert, à l'inverse de Degrelle, était opposé à ce que la Légion servît comme moyen de propagande politique. Aux yeux du Commandeur, la formation devait s'en tenir à son seul aspect militaire sans trop d'implications politiques et surtout sans heurter l'opinion publique. C'était également le point de vue du cénacle qui avait accueilli la mise sur pied de la Légion Wallonie avec sympathie et intérêt. Or, Degrelle, par son discours du 17 janvier 1943 au Palais des Sports à Bruxelles, au cours duquel il proclama la germanité des Wallons, le tout ponctué par un retentissant Heil Hitler, choqua non seulement l'opinion publique, mais provoqua une cascade de défections au sein de Rex même. La politique suivie par Degrelle éclatait au grand jour : elle serait personnelle et au service exclusif d'une ambition de plus en plus envahissante, où l'aspect militaire se limiterait aux seuls exploits susceptibles de rehausser son prestige, s'alignant sur l'organisation d'une Europe dominée par l'Allemagne où l'intégrité de la Belgique, conformément au programme national du Mouvement rexiste d'avant guerre, n'était pas assurée. Degrelle venait de s'emparer de la légion, le Reich subissait ses premiers revers militaires et Lippert se faisait manœuvrer dans une impasse.

       ( à suivre )

 

        © Eddy De Bruyne, adapté de Le Recrutement dans les Stalags et Oflags en faveur de la Légion Wallonie, CEGES 1998.

 

        Les sources et références peuvent être consultées dans l'ouvrage de base.

        cegesoma@gesoma.be

  

NOTE

 

1.  Ce fut particulièrement vrai dans le cas du Major B.E.M. Frans Hellegaut libéré de l'Oflag de Prenzlau pour s'engager dans la Brigade d'Assaut Wallonie le 1er juin 1944. Ce dernier avait adressé au Secrétariat Général du Ministère des Finances - Service Général des Traitements de l'Armée - une lettre aux termes de laquelle il sollicitait une mise en congé sans solde pour une durée indéterminée à partir du 1er juin 1944. La réponse de Bruxelles, datée 22 juillet 1944, confirma sa mise en congé. Cependant, une note ajoutée sur la minute fait état des détails révélateurs suivants :

[…] Si cet officier supérieur a pris du service dans la Légion Wallonie, il devrait être placé en congé sans traitement pour une période qui compterait comme service actif. Comme il a sollicité une mise en congé sans solde, j'estime qu'il y a lieu de faire droit à sa demande. A remarquer que le temps passé en congé sans solde est décompté de l'ancienneté de l'officier. La position en congé sans solde est plus défavorable à l'intéressé que la situation sans traitement prévue par l'Arrêté du 13.10.1941 modifié par l'Arrêté du 28.01.1942 […] ; - Archives Eddy De Bruyne.

   

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