La grenouille qui voulait
attraper la lune
de Marie-Odile Judes

I1 y a très, très longtemps, des petites grenouilles vivaient an bord d'une mare. Mais elles s'ennuyaient beaucoup car elles ne savaient pas à quoi jouer.

Un soir, alors qu'elles faisaient leurs "coâ coâ" sur les nénuphars, la lune apparut dans le ciel. Elle était aussi ronde qu'un camembert et brillait comme une casserole.

Caro, une des petites grenouilles, s'écria:
"Que la lune est belle! Et comme j'aimerais sauter très haut pour l'attraper!"

Une vieille grosse grenouille se moqua:
"Qu'en ferais-tu, de la lune?"
Caro réfléchit et répondit:
"Un chapeau pour me protéger du soleil!"
Une autre grenouille éclata de rire:
"Mais il serait trop grand pour toi!"
Caro se gratta le ventre, réfléchit et déclara:
"Alors, je l'attacherais au bout d'une ficelle et je m'en ferais un ballon!
- Les ballons, c'est pour les enfants! gloussa une troisième."

Caro décida de ne plus faire attention aux moqueries et décida qu'elle attraperait la lune. Caro sauta de la mare sur la terre et se cacha dans un petit coin. Elle s'allongea sur le sol et commença à faire des battements avec ses pattes arrière: une-deux... une-deux.

Puis elle se releva, prit son élan, sauta... mais ne réussit qu'à passer par-dessus un brin d'herbe. Elle recommença une fois, deux fois, trois fois, quatre fois... Au cinquième bond, elle atteignit un tournesol. Au dixième, elle passa par-dessus le nid d'un coucou.

"Va donc jouer ailleurs!" gronda l'oiseau.

La petite grenouille se dit: "Je vais m'entraîner sur la montagne. Là, je ne dérangerai personne!"
Et elle reprit ses exercices avec courage: elle parvint à passer par-dessus un sapin, puis par-dessus un nuage.

Elle s'arrêta pour respirer un peu et vit alors que ses pattes étaient devenues plus longues.
"On a bien raison de dire que le sport fait grandir!" s'écria t elle.
Et elle recommença à sauter. Enfin, un beau jour... hop! elle sauta jusqu'à la lune.

Caro trouva que la lune était moins belle de près que de loin: il y faisait sombre et froid, et il n'y avait ni mare ni nénuphars, ni insectes à avaler. Elle ramassa quand même un petit morceau de lune en souvenir, et rentra chez elle.

Caro alla trouver ses amies et leur dit:
"J'ai réussi à attraper la lune!
- Coâ? Coâ? Balivernes, sornettes et calembredaines!" s'écrièrent les grenouilles en se tapant sur le ventre.

Caro leur montra alors ses longues pattes, mais les grenouilles dirent qu'avoir des pattes longues comme un parapluie ne voulait pas dire qu'on était allé sur La lune.

Alors, la petite grenouille montra le morceau de lune qu'elle avait ramassé: "Et ça, qu'est-ce que c'est, alors?"
Cette fois, on voulut bien la croire.
"Comment c'est, là haut?" demandèrent les grenouilles.

Ses amies s'étaient tellement moquées d'elle que Caro voulut se venger. Elle répondit:
"C'est magnifique! I1 y a des lacs roses, des nénuphars bleus, des glaces à la limace et des pucerons au caramel!"
Cela donna envie aux grenouilles d'aller sur la lune. Elles demandèrent donc à Caro de leur donner des leçons de gymnastique et s'entraînèrent, s'entraînèrent...

Arrivées sur la lune, elles ne virent ni lacs ni nénuphars, ni glaces ni limaces. Alors, elles retournèrent sur La terre et dirent très en colère:
"Tu t'es moquée de nous, la lune est vilaine comme tout!"
Caro répondit:
"Ne soyez pas fâchées. C'est vrai, la lune n'est pas très belle à voir de près. Mais maintenant que nous avons de grandes pattes, nous avons pouvoir jouer à plein de jeux rigolos!"

A partir de ce jour, les grenouilles jouèrent à chat perché et à saute-mouton. Et elles ne s'ennuyèrent plus jamais au bord de la mare.