Poésies fleuries

Étranges fleurs


L'automne met dans les lilas
D'étranges fleurs que nul ne voit,
Des fleurs aux tons si transparents
Qu'il faut avoir gardé longtemps
Son âme de petit enfant
Pour les voir le long des sentiers
Et pour pouvoir les assembler
En un seul bouquet de clarté
Comme font, à l'aube, les anges
Les mains pleines d'étoiles blanches...


" Fleurs de soleil " (1965) Maurice Carême

La rose-thé

La plus délicate des roses
Est, à coup sûr, la rose-thé.
Son bouton aux feuilles mi-closes
De carmin à peine teinté.
On dirait une rose blanche
Qu'aurait fait rougir de pudeur,
En la butinant sur la branche,
Un papillon trop plein d'ardeur.
Son tissu rose et diaphane
De la chair a le velouté ;
Auprès, tout incarnat se fane
Ou prend de la vulgarité.
Comme un teint aristocratique
Noircit les fronts bruns de soleil,
De ses soeurs elle rend rustique
Le coloris chaud et vermeil.
Il n'est pas de rose assez tendre
Sur la palette du printemps,
Madame, pour oser prétendre
Lutter contre vos dix sept ans.


Théophile Gautier Émaux et Camées (1852 )

Bouquet

Ce n'est point en offrant des fleurs
que je veux peindre ma tendresse;
de leur parfum, de leurs couleurs
en peu d'instants le charme cesse.

La rose naît en un moment
en un moment elle est flétrie,
mais ce que pour vous mon coeur ressent
ne finira qu'avec la vie.

                J.J .Rousseau

On admire les fleurs de serre
Qui loin de leur soleil natal,
Comme des joyaux mis sous verre,
Brillent sous un ciel de cristal.
Camélia et pâquerette. Sans que les brises les effleurent
De leurs baisers mystérieux,
Elles naissent, vivent et meurent
Devant le regard curieux.
À l'abri de murs diaphanes,
De leur sein ouvrant le trésor,
Comme de belles courtisanes,
Elles se vendent à prix d'or.

Mais souvent parmi l'herbe verte,
Fuyant les yeux, fuyant les doigts,
De silence et d'ombre couverte,
Une fleur vit au fond des bois.

Un papillon blanc qui voltige,
Un coup d'oeil au hasard jeté
Vous fait surprendre sur sa tige
La fleur dans sa simplicité.

Belle de sa parure agreste
S'épanouissant au ciel bleu,
Et versant son parfum modeste
Pour la solitude et pour Dieu.

Sans toucher à son pur calice
Qu'agite un frisson de pudeur,
Vous respirez avec délice
Son âme dans sa fraîche odeur.

Théophile Gautier

Et tulipes au port superbe,
Camélias si chers payés,
Pour la petite fleur dans l'herbe
En un instant sont oubliés.

         

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