La vie de Samuel...

Samuel était assis dans sa cuisine, sur la chaise de bois teinté. Il était livide, morose, le regard fixe, fixant un point au loin, un point qui n'avait jamais existé et qui n'existerait probablement jamais. Il se leva, recula la chaise. Les choses ont toujours tendance à vouloir nous gêner quand nous nous levons. Il prit un stylo et griffonna sur un bout de papier, qu'il chiffonna et jeta vers ce point comme pour détruire ce qui de toute façon n'existe pas.

Depuis des années, il reculait ce moment. Depuis des siècles, il avait tiré sur cette ficelle, tout aussi imaginaire qui maintenant allait céder. Le temps était affreux. La pluie tombait depuis quatre jours, le vent soufflait, faisant fuir toute la ville. Même le moineau créchant à quelques mètres de sa fenêtre et qui, d'ordinaire, s'en donnait à cœur joie, s'était tu, attendant probablement que le temps retrouve l'éclat qu'il n'aurait jamais dû perdre. Le bourdonnement des marteaux piqueurs ne faisait que s'ajouter à la toile de fond d'un tableau sombre d'une vie qui ne l'était pas moins.

Samuel prit son imperméable, acheté quelques années auparavant pour une poignée de riz et descendit dans la rue affronter la volonté du Tout-Puissant. Il habitait au centre ville, dans le Carré, comme on l'appelait là-bas. Cette situation géographique ne lui apportait que des avantages. Il était à deux minutes des cinémas, à deux minutes de tous les divertissements que contenait cette petite ville.