TRANSPARENCE DU VEILLEUR
Sur l’œuvre entier de René Smet règne un climat de frontière,
hallucinées. De ces frontières le peintre est un Veilleur
; à qui rêve, éveillé lui-même, de s'en
approcher, l’œuvre qui s'y crée interdit les vains bagages, des
paroles d'abstraction et de prétendue science d'un art dont l'essence
et d'en concrétiser le refus visionnaire, exige de lui qu'il se
confie sans réserve à l'irruption des images et des événements
qu'elle transmet de ce chemin de crête entre deux mondes.
Le sentiment nous est aussi donné que la toile est le rideau
d'une scène qui réussirait l'impossible d'une étrange
alliance d'opacité et de transparence : l'opacité peinte
masque ici un autre espace, celui de l'au-delà de la représentation,
pour être cependant la préfiguration même de ce que
nous pourrions voir dès que le voile en serait levé, transparence
étant l'acte qui livre aussi la scène elle-même ; celle-ci,
enfin, avide de tenter son irruption sur cette paroi-frontière atteinte,
heurtée, mise en vie, témoignant de l'identité de
la promesse et du don, de l'espoir et de l'image, de l'attente et de l'événement.
Ainsi pouvons-nous dire une transparence à deux faces sans fin,
en constante tension, d'équilibre incertain, à double foyer
: ce qui nous est visible, les personnages qui hantent la frontière
semblent éprouver en leur secret, non pas la même et réversible
circonstance de nous voir comme nous les voyons, et de se destiner à
eux-mêmes notre apparition de témoins, mais tout de même
le sentiment créateur d'être vus, d'être pour nous une
évidence de présence, la réponse muette de notre désir.