Quelques extraits à savourer...

Milan Kundera


« L'homme ne peut jamais savoir ce qu'il faut vouloir car il n'a qu'une vie et il ne peut ni la comparer à des vies antérieures ni la rectifier dans des vies ultérieures. (...)
Il n'existe aucun moyen de vérifier quelle décision est la bonne, car il n'existe aucune comparaison. Tout est vécu tout de suite pour la première fois et sans préparation. Comme si un acteur entrait en scène sans avoir jamais répété. Mais que peut valoir la vie, si la première répétition de la vie est déjà la vie même. C'est ce qui fait que la vie ressemble toujours à une esquisse. Mais même "esquisse" n'est pas le mot juste, car une esquisse est toujours l'ébauche de quelque chose, la préparation d'un tableau, tandis que l'esquisse qu'est notre vie est une esquisse de rien, une ébauche sans tableau.
(...) einmal ist keinmal, une fois ne compte pas, une fois c'est jamais. Ne pouvoir vivre qu'une vie, c'est comme ne pas vivre du tout. »

(L’Insoutenable légèreté de l’être)
« Car les questions vraiment graves ne sont que celles que peut formuler un enfant. Seules les questions les plus naïves sont vraiment de graves questions. Ce sont les interrogations auxquelles il n'est pas de réponse. Une question à laquelle il n'est pas de réponse est une barrière au-delà de laquelle il n'est plus de chemins. Autrement dit : ce sont précisément les questions auxquelles il n'est pas de réponse qui marquent les limites des possibilités humaines et qui tracent les frontières de notre existence. »
(L’Insoutenable légèreté de l’être)
« Supposons qu’il y ait dans l’univers une planète où l’on viendrait au monde une deuxième fois. En même temps, on se souviendrait parfaitement de la vie passée sur la terre, de toute l’expérience acquise ici-bas.
Et il existe peut-être une autre planète où chacun verrait le jour une troisième fois avec l’expérience de deux vies déjà vécues.
(...)
Ce n’est que dans la perspective de cette utopie que les notions de pessimisme et d’optimisme ont un sens: l’optimiste, c’est celui qui se figure que l’histoire humaine sera moins sanglante sur la planète numéro cinq. Le pessimiste, c’est celui qui ne le croit pas. »
(L’Insoutenable légèreté de l’être)
« Sans la moindre préparation théologique, spontanément, l’enfant que j’étais alors comprenait donc déjà qu’il y a incompatibilité entre la merde et Dieu et, par conséquent, la fragilité de la thèse fondamentale de l’anthropologie chrétienne selon laquelle l’homme a été créé à l’image de Dieu. De deux choses l’une ou bien l’homme a été créé à l’image de Dieu et alors Dieu a des intestins, ou bien Dieu n’a pas d’intestins et l’homme ne lui ressemble pas.
Les anciens gnostiques le sentaient aussi clairement que moi dans ma cinquième année. Pour trancher ce problème maudit, Valentin, Grand Maître de la Gnose de II eme siècle, affirmait que Jésus « mangeait, buvait, mais ne déféquait point ».
La merde est un problème théologique plus ardu que le mal. Dieu a donné la liberté à l’homme et on peut donc admettre qu’il n’est pas responsable des crimes de l’humanité. Mais la responsabilité de la merde incombe entièrement à celui qui a créé l’homme, et à lui seul.
(L’Insoutenable légèreté de l’être)
« Si, récemment encore, dans les livres, le mot merde était remplacé par des pointillés, ce n'était pas pour des raisons morales. On ne va tout de même pas prétendre que la merde est immorale ! Le désaccord avec la merde est métaphysique. L'instant de la défécation est la preuve quotidienne du caractère inacceptable de la Création.
De deux choses l'une: ou bien la merde est acceptable (alors ne vous enfermez pas à clé dans les waters !), ou bien la manière dont on nous a créé est inadmissible.
Il s'ensuit que l'accord catégorique avec l'être a pour idéal esthétique un monde où la merde est niée et où chacun se comporte comme si elle n'existait pas. Cet idéal esthétique s'appelle le kitsch.
C'est un mot allemand qui est apparu au milieu du XIXe siècle sentimental et qui s'est ensuite répandu dans toutes les langues. Mais l'utilisation fréquente qui en est faite a gommé sa valeur métaphysique originelle, à savoir: le kitsch, par essence, est la négation absolue de la merde; au sens littéral comme au sens figuré: le kitsch exclut de son champ de vision tout ce que l'essence humaine a d'essentiellement inacceptable. »

(L’Insoutenable légèreté de l’être)
« Comment ce sénateur pouvait-il savoir que les enfants signifiaient le bonheur? Lisait-il dans leur âme ? Et si, à peine sortis de son champ de vision, trois d'entre eux s'étaient jetés sur le quatrième et s'étaient mis à le rosser ?
Le sénateur n'avait qu'un argument en faveur de son affirmation: sa sensibilité. Lorsque le coeur a parlé, il n'est pas convenable que la raison élève des objections. Au royaume du kitsch s'exerce la dictature du coeur.
Il faut évidemment que les sentiments suscités par le kitsch puissent être partagés par le plus grand nombre. Aussi le kitsch n'a-t-il que faire de l'insolite; il fait appel à des images clés profondément ancrées dans la mémoire des hommes: la fille ingrate, le père abandonné, des gosses courant sur une pelouse, la patrie trahie, le souvenir du premier amour.
Le kitsch fait naître tour à tour deux larmes d'émotion. La première larme dit: Comme c'est beau, des gosses courant sur une pelouse !
La deuxième larme dit: Comme c'est beau d'être ému avec toute l'humanité à la vue de gosses courant sur une pelouse !
Seule cette deuxième larme fait que le kitsch est kitsch.
La fraternité de tous les hommes ne pourra être fondée que sur le kitsch.
Nul ne le sait mieux que les hommes politiques. Dès qu'il y a un appareil photo à proximité, ils courent après le premier enfant qu'ils aperçoivent pour le soulever dans leurs bras et l'embrasser sur la joue. Le kitsch est l'idéal esthétique de tous les hommes politiques, de tous les mouvements politiques.

Dans une société où plusieurs courants coexistent et où leur influence s'annule ou se limite mutuellement, on peut encore échapper plus ou moins à l'inquisition du kitsch; l'individu peut sauvegarder son originalité et l'artiste créer des oeuvres inattendues. Mais là où un seul mouvement politique détient tout le pouvoir, on se trouve d'emblée au royaume du kitsch totalitaire.
Si je dis totalitaire, c'est parce que tout ce qui porte atteint au kitsch est banni de la vie: toute manifestation d'individualisme (car toute discordance est un crachat jeté au visage de la souriante fraternité), tout scepticisme (car qui commence à douter du moindre détail finit par mettre en doute la vie en tant que telle), l'ironie (parce qu'au royaume du kitsch tout doit être pris au sérieux), mais aussi la mère qui a abandonné sa famille ou l'homme qui préfère les hommes aux femmes et menace ainsi le sacro-saint slogan "croissez et multipliez-vous".
De ce point de vue, ce qu'on appelle le goulag peut être considéré comme une fosse septique où le kitsch totalitaire jette ses ordures. »

(L’Insoutenable légèreté de l’être)


« (...) il me suffit de voir comment son oeil clignote, de voir ce mouvement de la paupière sur la cornée, pour que je ressente un dégoût que je peux à peine surmonter.
(...)l’oeil: la  fenêtre de l’âme; le centre de la beauté du visage; le point où se concentre l’identité d’un individu; mais en même temps un instrument de vision qui doit être sans cesse lavé, mouillé, entretenu par un liquide spécial pourvu d’une dose de sel. Le regard, la plus grande merveille que possède un homme, est donc interrompu régulièrement par un mouvement mécanique de lavage. Comme un pare-brise lavé par un essuie-glace.(...) en bricolant dans son atelier, Dieu était arrivé, par hasard, à ce modèle de corps dont nous sommes tous obligés, pour un court laps de temps, de devenir l’âme. Mais quel sort lamentable que d’être l’âme d’un corps fabriqué à la légère et dont l’oeil ne peut regarder sans être lavé toutes les dix, vingt secondes ! Comment croire que l’autre en face de nous est un être libre, indépendant, maître de lui-même ? Comment croire que son corps est l’expression fidèle d’une âme qui l’habite? Pour pouvoir le croire, il a fallu oublier le clignotement perpétuel de la paupière. Il a fallu oublier l’atelier de bricolage dont nous provenons. (...) cet atelier de bricolage où on a gâché leurs yeux avec le mouvement désarticulé d’une paupière et installé une petite usine puante dans leur ventre. »
(L’Identité)
« Le danseur se distingue de l’homme politique ordinaire en ceci qu’il ne désire pas le pouvoir mais la gloire; il ne désire pas imposer au monde telle ou telle convention sociale (il s’en soucie comme d’une guigne) mais occuper la scène pour faire rayonner son moi.
Pour occuper la scène, il faut en repousser les autres. Ce qui suppose une technique de combat spéciale. Le combat que mène le danseur, Pontevin l’appelle le judo moral; le danseur jette le gant au monde entier: qui est capable de se montrer plus moral (plus courageux, plus honnête, plus sincère, plus disposé au sacrifice, plus véridique) que lui ? Et il manie toutes les prises qui lui permettront de mettre l’autre dans une situation moralement inférieure.
Si un danseur a la possibilité d’entrer dans le jeu politique, il refusera ostensiblement toutes les négociations secrètes (qui sont depuis toujours le terrain de jeu de la vraie politique) en les dénonçant comme mensongères, malhonnêtes, hypocrites, sales; il avancera ses propositions publiquement, sur une estrade, en chantant, en dansant, et appellera nommément les autres à le suivre dans son action; j’insiste : non pas discrètement (pour donner à l’autre le temps de réfléchir, de discuter des contrepropositions) mais publiquement, et si possible par surprise:
« Etes-vous prêt tout de suite (comme moi) à renoncer à votre salaire du mois de mars pour aider les enfants de Somalie?»
Surpris, les gens n’auront que deux possibilités: ou bien refuser et ainsi se discréditer en tant qu’ennemis des enfants, ou bien dire « oui »  dans un terrible embarras que la caméra devra malicieusement montrer. »

(La Lenteur)
« Seuls les obstacles peuvent transformer l'amour en histoire d'amour.... »
(L’Immortalité)
« Les hommes qui poursuivent une multitude de femmes peuvent aisément se répartir en deux catégories. Les uns cherchent chez toutes les femmes leur propre rêve, leur idée subjective de la femme. Les autres sont mus par le désir de s’emparer de l’infinie diversité du monde féminin objectif.
L’obsession des premiers est une obsession romantique: ce qu’ils cherchent chez les femmes, c’est eux-mêmes, c’est leur idéal, et ils sont toujours et continuellement déçus parce que l’idéal, comme nous le savons, c’est qu’il n’est jamais possible de le trouver. Comme la déception qui les pousse de femme en femme donne à leur inconstance une sorte d’excuse mélodramatique, bien des dames sentimentales trouvent émouvante leur opiniâtre polygamie.
L’autre obsession est une obsession libertine, et les femmes n’y voient rien d’émouvant: du fait que l’homme ne projette pas sur les femmes un idéal subjectif, tout l’intéresse et rien ne peut le décevoir. Et précisément cette inaptitude à la déception a en soi quelque chose de scandaleux.
Aux yeux du monde, l’obsession du baiseur libertin est sans rémission (parce qu’elle n’est pas rachetée par la déception). »

(L’Insoutenable légèreté de l’être)
« Ne pas avoir de sens pour l’art, ce n’est pas grave. On peut ne pas lire Proust, ne pas écouter Schubert, et vivre en paix. Mais le misomuse ne vit pas en paix. Il se sent humilié par l’existence d’une chose qui le dépasse et il la hait. Il existe une misomusie populaire comme il y a un antisémitisme populaire. Les régimes fascistes et communistes savaient en profiter quand ils donnaient la chasse à l’art moderne. Mais il y a la misomusie intellectuelle, sophistiquée: elle se venge sur l’art en l’assujettissant à un but situé au-delà de l’esthétique. La doctrine de l’art engagé: l’art comme moyen d’une politique. Les théoriciens pour qui une oeuvre d’art n’est qu’un prétexte pour l’exercice d’une méthode (psychanalytique, sémiologique, sociologique, etc.). La misomusie démocratique: le marché en tant que juge suprême de la valeur esthétique. »
(L’Art du roman)
« L’histoire du roman dépasse les nations, le roman est un art européen:
Je parle du roman européen non seulement pour le distinguer du roman (par exemple) chinois, mais aussi pour dire que son histoire est transnationale; que le roman français, le roman anglais ou le roman hongrois ne sont pas en mesure de créer leur propre histoire autonome, mais qu’ils participent tous à une histoire commune, supranationale, laquelle crée le seul contexte où peuvent se révéler et le sens de l’évolution du roman et la valeur des oeuvres particulières. »
(Les Testaments trahis)
« La morale des émotions, ou morale de l'extase, comme ersatz de la liberté de penser: le choix dicté par la société d'aujourd'hui ?
La morale de l’extase est contraire à celle du procès; sous sa protection tout le monde fait tout ce qu’il veut: déjà, chacun peut sucer son pouce à son aise, depuis sa petite enfance jusqu’au baccalauréat, et c’est une liberté à laquelle personne ne sera prêt à renoncer; regardez autour de vous dans le métro, assis, debout, chacun a le doigt dans un des orifices de son visage; dans l’oreille, dans la bouche, dans le nez; personne ne se sent vu par l’autre et chacun songe à écrire un livre pour dire son inimitable et unique moi qui se cure le nez; personne n’écoute personne, tout le monde écrit et chacun écrit comme on danse le rock: seul, pour soi, concentré sur soi-même, et faisant pourtant les mêmes mouvements que tous les autres. Dans cette situation d’égocentrisme uniformisé, le sentiment de culpabilité ne joue plus le même rôle que jadis.
(...) Au fur et à mesure que la liberté de pensée, la liberté des mots, des attitudes, des blagues, des réflexions, des idées dangereuses, des provocations intellectuelles se rétrécit, surveillée qu’elle est par la vigilance du tribunal du conformisme général, la liberté des pulsions va grandissant. On prêche la sévérité contre les péchés de la pensée; on prêche le pardon pour les crimes commis dans l’extase émotive. »

(Les Testaments trahis)
« Avec scepticisme, il avait examiné l’éventail des choix qui s’offraient: les procureurs qui consacrent toute leur vie à la persécution des autres; les instituteurs, souffre-douleur des enfants mal élevés; les disciplines techniques, dont le progrès apporte avec un petit avantage une énorme nocivité; le bavardage aussi sophistiqué que vide des sciences humaines; l’architecture intérieure (...) complètement asservie aux modes qu’il détestait; le métier des pauvres pharmaciens réduits à être des vendeurs de boîtes et de flacons. »
(L’Identité)
« Ils s'étaient créé un enfer, mutuellement, même s'ils s'aimaient. C'était vrai qu'ils s'aimaient, et c'était la preuve que la faute ne venait pas d'eux-mêmes, de leur comportement ou de leur sentiment labile, mais bien de leur incompatibilité parce qu'il était fort et qu'elle était faible. »
(L’Insoutenable légèreté de l’être)
« Les extrêmes marquent la frontière au-delà de laquelle la vie prend fin, et la passion de l'extrémisme, en art comme en politique, est désir déguisé de mort. »
(L’Insoutenable légèreté de l’être)
« Les personnages de mon roman sont mes propres possibilités qui ne se sont pas réalisées. C'est ce qui fait que je les aime tous et que tous m'effraient pareillement. Ils ont, les uns et les autres, franchi une frontière que je n'ai fait que contourner. C'est cette frontière franchie (la frontière au-delà de laquelle finit mon moi) qui m'attire. Et c'est de l'autre côté seulement que commence le mystère qu'interroge le roman. Le roman n'est pas une confession de l'auteur, mais une exploration de ce qu'est la vie humaine dans le piège qu'est devenu le monde. »
(L’Insoutenable légèreté de l’être)
« Et, au seuil du sommeil, dans l'espace enchanté des visions confuses, il fut tout à coup certain qu'il venait de découvrir la solution de toutes les énigmes, la clé du mystère, une nouvelle utopie, le Paradis : un monde où l'on est en érection à la vue d'une hirondelle et où il peut aimer Tereza sans être importuné par la bêtise agressive de la sexualité. »
(L’Insoutenable légèreté de l’être)
« On ne pourra jamais déterminer avec certitude dans quelle mesure nos relations avec autrui sont le résultat de nos sentiments, de notre amour ou non-amour, de notre bienveillance ou haine, et dans quelle mesure elles sont d'avance conditionnées par les rapports de force entre individus.
La vraie bonté de l'homme ne peut se manifester en toute pureté et en toute liberté qu'à l'égard de ceux qui ne représentent aucune force. Le véritable test moral de l'humanité (le plus radical, qui se situe à un niveau si profond qu'il échappe à notre regard), ce sont ses relations avec ceux qui sont à sa merci : les animaux. Et c'est ici que s'est produite la faillite fondamentale de l'homme, si fondamentale que toutes les autres en découlent. »

(L’Insoutenable légèreté de l’être)
« La lutte de l'homme contre le pouvoir, c'est la lutte de la mémoire contre l'oubli. »
(Le livre du rire et de l'oubli)
« Sur la pensée systématique, encore ceci : celui qui pense est automatiquement porté à systématiser ; c'est son éternelle tentation (même la mienne, et même en écrivant ce livre) : tentation de décrire toutes les conséquences de ses idées ; de prévenir toutes les objections et de les réfuter d'avance ; de barricader ainsi ses idées. Or, il faut que celui qui pense ne s'efforce pas de persuader les autres de sa vérité ; il se trouverait ainsi sur le chemin d'un système, sur le lamentable chemin de l'"homme de conviction" ; des hommes politiques aiment se qualifier ainsi ; mais qu'est-ce qu'une conviction ? c'est une pensée qui s'est arrêtée, qui s'est figée, et l'"homme de conviction" est un homme borné; la pensée expérimentale ne désire pas persuader mais inspirer ; inspirer une autre pensée, mettre en branle le penser ; c'est pourquoi un romancier doit systématiquement désystématiser sa pensée, donner des coups de pied dans la barricade qu'il a lui-même érigée autour de ses idées. »
(Les testaments trahis)
« L'homme est celui qui avance dans le brouillard. Mais quand il regarde en arrière pour juger les gens du passé il ne voit aucun brouillard sur leur chemin. De son présent, qui fut leur avenir lointain, leur chemin lui paraît entièrement clair, visible dans toute son étendue. Regardant en arrière, l'homme voit le chemin, il voit les gens qui s'avancent, il voit leurs erreurs, mais le brouillard n'est plus là. Et pourtant, tous, Heidegger, Maïakovski, Aragon, Ezra Pound, Gorki, Gottfried Benn, Saint-John Perse, Goino, tous ils marchaient dans le brouillard, et on peut se demander : qui est le plus aveugle ? Maïakovski qui en écrivant son poème sur Lénine ne savait pas où mènerait le léninisme ? Ou nous qui jugeons avec le recul des décennies et ne voyons pas le brouillard qui l'enveloppait ? »
(Les testaments trahis)